Révolution: la grande fuite en avant de l'Humanité
Le révolutionnaire est un Homme qui engendre sa propre perte.
Un mot lourd de sens
J’ai 28 ans, et ma vie durant, des mots comme “crise”, “guerre”, “capitalisme féroce”, “démocratie”, “lutte sociale”… et un certain nombre d’autres mythes modernes et mots à forte connotation politique me sont arrivés un nombre de fois incalculable aux oreilles.
Il semblerait que ce ne soit jamais bien aller. Evidemment, loin de moi l’idée de pousser mes lamentations plus loin: je suis bien heureux de ne pas avoir connu les tranchées (et espérons que ça dure).
Mais tout de même, si les choses semblent si mal aller, et peut-être s’empirer, c’est bien qu’il y a quelque qui cloche! Et c’est parfait! Cela permet à tout le monde d’y aller de sa petite analyse politique…
Certains sont persuadés que la “bourgeoisie” les malmènent, d’autres que la matrie Gaïa va s’effondrer sous le poids du capitalisme féroce mentionné plus haut, et les derniers réclament un État plus fort pour mater la racaille et redorer le blason de la justice.
Qu’ont ces analystes brillants en commun? Ce sont tous des révolutionnaires. Vous me direz que les mots ont un sens, que celui de révolution est à relier à certaines écoles de pensée politique bien précises. Et que par opposition, le standard du “catholique royaliste” est bien davantage celui d’un contre-révolutionnaire que d’un révolutionnaire.
Je pourrais vous accorder sans problème ce point de définition. Quand on pense à la “Révolution”, on pense plutôt à un renversement brusque d’un régime politique par la force. Sauf que justement, la force est consubstantielle au politique. Considérez alors le mot “révolution” comme la simple volonté d’accéder au pouvoir politique, donc d’employer non pas la force physique, certes, mais celle des urnes pour imposer sa vision au reste des individus sur un territoire donné. C’est une force dissimulée et coercitive.
Partant de là, vous m’accorderez sans doute que la grande majorité des mouvements politiques ont cette ambition, n’est-ce-pas? Ou au moins, qu’ils veulent peser dans le “débat démocratique”? Ce qui veut dire que l’ensemble de mouvements politiques sont des relais de la lutte de tous contre tous, donc des instruments de la violence globalisée.
Et bien sûr, cela me pose problème. Faire la révolution, quelle idée saugrenue! Mais pire que cela: quelle sauvagerie. Un partisan de la Liberté ne peut PAS l’accepter. La conquête du pouvoir est un acte déshumanisant. C’est l’expression même d’une volonté de domination. La politique est l’incarnation de la prédation, sous couvert de morale et de faux semblants.
Alors je sais! On a tous, quelque part, cette envie inavouée (ou pas) de changer le monde. Il y a un certain nombre de choses qui peuvent nous révolter et contre lesquelles nous souhaitons ardemment lutter. Tout cela est noble, certes.
Cela dit, notez dans un premier temps que le mot révolution renvoi à la notion de retour. On parle bien de la révolution de la Terre autour du soleil. Le révolutionnaire, c’est celui qui veut changer le pouvoir en place et le remplacer par le sien. Après un tour (de 5 ans, métaphoriquement), place à notre tour!
Qui est donc le révolutionnaire? Celui qui veut changer ce qu’il perçoit comme le Mal pour y mettre le sien. Mais faire la révolution, c’est ne pas comprendre que le Mal vient de la révolution elle-même. Vouloir remplacer un Mal par un autre, qu’est-ce donc, si ce n’est encore le Mal?
Et que révèle le révolutionnaire de lui-même par cet acte de conquête? Qu’il relie directement ses préférences (absolument légitimes) à la conquête du politique (absolument illégitime). Il subcommunique que la seule manière d’insuffler du changement passe par la domination. Qu’il est triste de constater que certains hommes n’arrivent pas à se considérer comme autre chose que des loups pour les autres hommes.
Un aveuglement protéiforme
Il y a une foultitude de pensées et d’attitudes qui m’étonnent, voir m’exaspèrent chez les révolutionnaires de tout bord. La somme de celles-ci les condamnent irrémédiablement à déplorer des conséquences qu’ils auront sans cesse nourries par leur action politique.
Il y a d’abord cette capacité exceptionnelle à se raconter des histoires. Cela est bien souvent peu voir pas conscientisé. L’Homme qui se ment à lui-même révèle simplement qu’il a besoin de croire, voir d’exalter quelque chose qui le dépasse. Il est transporté par une hypnose individuelle par laquelle il se laisse volontiers bercer pour éviter d’avoir à affronter la violence de la scène réelle.
D’autres répètent inlassablement qu’un “autre pouvoir est possible”. Pour l’incarner, ils devront “jouer le jeu du politique”, c’est-à-dire faire tout ce qu’il faut pour être élu, et enfin appliquer méthodiquement ce qu’ils auront “prévu”. Les révolutionnaires sont des planificateurs, bien souvent obnubilés par le contrôle, et persuadés que le calcul scientifique du réel est l’avenir du monde.
Ils pensent aussi que les maux causés par un gouvernement n’auraient pas eu lieu avec un autre. Chose possible, certes; mais c’est omettre tous les maux qui seront les leurs et qui avaient été évités par le gouvernement précédent. Le pouvoir étant par nature coercitif, les révolutionnaires seront par nature amenés à se comporter comme des brigands avec l’ensemble des individus d’un territoire.
Chers révolutionnaires, le fantasme de la prise de pouvoir est aussi ce qui permet d’alimenter vos illusions. Pour ce qui est de la démocratie, le simple fait de participer à son existence en regardant les débats ou pire, en allant voter, est le révélateur même de votre aveuglement. C’est encore là, précisément là, que vous contribuez à maintenir en place le Mal.
Et puisque c’est d’actualité, je pense au phénomène populaire de la manifestation. Ah, la manifestation! Encore une étrangeté pour moi, dans la mesure où elle est une extension du domaine politique. La manifestation n’existe pas dans un monde où il n’y aurait de toute façon rien à quémander au pouvoir. Quoi qu’il en soit, je suis toujours amusé par ces gens qui participent à des manifestations autorisées (oui, il a bien fallu qu’un préfet ou qu’un représentant de l’ordre quelconque accepte que les révolutionnaires sortent dans la rue).
Quitte à être révolutionnaire, alors autant aller au bout non? Le besoin de validation du pouvoir en place dit tout de l’impuissance fondamentale des manifestations. On pourrait me rétorquer que la manifestation sert à “faire peur” au pouvoir et à le raisonner, ou qu’elle est l’âme de nombreuses luttes sociales qui ont vu le jour.
Mais encore une fois, faire peur au Mal pour qu’il fasse un peu moins de mal et/ou lutter pour des causes dans le but de les imposer aux autres, à quoi bon? Qu’y a t-il de vertueux dans le fait de réduire le Mal? Et dans le fait de se faire acteur du politique? N’y a t-il donc aucun autre moyen que celui de la violence politique pour amener du changement dans chacune des vies?
Par ailleurs, je vois la manifestation comme un outil de contrôle politique. Elle permet d’évacuer le surplus émotionnel de la foule, de feindre le contrôle pour continuer de “croire”. Oui, l’étatisme mental des révolutionnaires est une croyance. Manifester permet de faire s’échapper la pression des corps avant de remettre le couvercle… pour recommencer plus tard.
Alors un autre pouvoir est possible, oui, mais pourquoi faire? Faire le jeu du pouvoir, et le conquérir, c’est se soumettre au Mal. C’est le faire vivre. Les révolutionnaires ne semblent pas voir qu’un changement hors du déni d’altérité, hors de la violence, hors du vol et hors des jeux de dupes est possible.
Alors oui, c’est un changement qui ne vient pas de l’esprit politique, collectiviste par essence. C’est un changement qui vient des entrailles de chacun de nous. J’y viens donc.
Vers un paradigme nouveau
Nous l’avons vu, le révolutionnaire veut changer les choses, et imposer sa vision. C’est un collectiviste, c’est-à-dire un conquérant du politique, qui pense le monde par abstraction, par groupe, par classe. Il faut toujours servir les intérêts des uns… au détriment des autres.
D’autres nous parlent de l’intérêt général, ou du bien de la Nation. On retombe dans la pensée collectiviste, pourtant c’est un leurre: il y a autant d’intérêts que d’individus. Bref, voilà ce qu’est le paradigme absolument sacrificiel du politique.
Mais comment agir dans le bon sens, si l’on se désintéresse totalement de la sphère politique? Il y a certainement plusieurs chemins possibles. Alors laissez-moi vous présenter l’un d’eux. En premier lieu, cessez de “vouloir”; laissez-faire. Outch! Qu’est-ce que c’est que ça?
La maladie politique est une maladie du soi. C’est vouloir faire le monde à son image, pour les autres. Cela, je le laisse à Dieu, à l’Architecte, à la Nature. Le libertarien que je suis adopte le chemin de l’observation, de la curiosité, du questionnement, de l’acceptation, de l’adaptation.
Lâcher cette “volonté”, c’est s’autoriser à appréhender les choses autrement, et notamment par le fameux laisser-faire, crédo libéral par excellence. Le besoin de contrôle et d’imposition sont des fléaux, pour le porteur de ces maux autant que pour celui qui les subit. Les premiers sont consumés par le Mal, les seconds y sont soumis.
Si des révolutionnaires encore disposés à m’entendre me lisent, alors je vous le dis: ne luttez pas contre le système, sortez-en. Ou du moins, pour être plus réaliste (nous sommes tous prisonniers, à une certaine échelle), je dirais à minima de ne pas vous accrocher à votre rocher politique. Détachez-vous en, acceptez d’être balayés par les flots quelques temps, et voguez vers d’autres horizons. Et la manière la plus radicale mais aussi la plus réaliste sur du long terme, c’est la sécession. Ces 5 articles du blog Liberalie en parle fort bien:
Après cette introspection réalisée, vient le moment de se recentrer sur soi-même. Sur son corps, sur son esprit, sur ses relations… le Monde est grand, les possibilités infinies! Par ailleurs, l’esprit libéral implique des individus qui le portent de se hisser vers l’excellence.
La raison en est simple: la Liberté implique la responsabilité, la confiance portée au Monde, et en même temps, la résilience face à lui. Un individu qui embrasse pareille philosophie a tendance, étrangement, à se tirer lui-même vers le haut et à emmener dans son sillage de nombreuses âmes de bonne volonté.
Voilà un premier angle de réflexion pour les révolutionnaires: ne pas lutter, sortir. Abandonner la Révolution, embrasser la Sécession. Abandonner la confiance portée au Mal, embrasser la confiance en soi et à l’autre.